1271 : Violet
J'éprouve, en effet, pour le violet une horreur sans borne, qui va jusqu'à m'empêcher de pouvoir séjourner dans une pièce où cette couleur, même hors de ma perception directe, laisse filtrer quelques-uns de ses rayons mortels.Il m'avait été agréable d'apprendre que Rimbaud, dont l'oeuvre jusque-là me paraissait trop à l'abri des tempêtes passionnelles pour être pleinement humaine, avait de ce côté éprouvé au moins une déception grave. De plus, les yeux des femmes étaient, comme je l'ai donné suffisamment à entendre, tout ce sur quoi je pouvais prétendre me guider alors. Maintes fois, et très récemment encore, je m'étais ouvert à quelque ami de l'extraordinaire nostalgie où me laissaient, depuis l'âge de treize ou quatorze ans, de tels yeux violets qui m'avaient fasciné chez une femme qui devait faire le trottoir à l'angle des rues Réaumur et de Palestro. J'étais, je me souviens si bien, avec mon père.
André Breton, Les vases communicants. Editions Gallimard / Idées n°223, 1981, p.120.