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DEFENSE DE SALIVER DES YEUX !
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22 octobre 2005

515 : "Rangés comme sur les degrés d'un poulailler'

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Dans cette image prise le 19 octobre à Bagdad, l'espace est organisé par la chorégraphie des regards. Qui tous convergent vers un seul d'entre eux, deux yeux noirs qui règnent au premier plan. Des regards qui se taisent, un regard qui parle. Au doigt et surtout à l'oeil, Saddam Hussein, assis avec quelques-uns de ses acolytes sur le banc des accusés du tribunal spécial chargé de juger leurs crimes, est toujours, à leurs yeux, le raïs, le parrain, le tyran. Il suffit de jauger la mine de l'homme assis à sa droite. Le demi-sourire dans la barbe du dictateur déchu est à ce titre d'une rare cruauté. Quelque chose d'une ironie meurtrière, quelque chose comme «ça y est, tu me remets ?»

Mais cette image est aussi étrangement familière tant sa mise en scène cite une théâtralité judiciaire dont les règles semblent avoir été fixées une fois pour toutes par le premier tribunal ayant eu à juger des criminels de guerre, le tribunal de Nuremberg. Rangés comme sur les degrés d'un poulailler, ce sont les mêmes bobines déconfites, le même laisser-aller physique et vestimentaire de ces déchus qui paradèrent en uniformes arrogants.

On apprend cependant que la chemise sans col que portent trois des accusés est une stratégie de défense, puisqu'il s'agit d'une disdacha, tunique traditionnelle synonyme de leur «irakité».

On note aussi que Saddam Hussein ne s'est pas prêté à ce travestissement. Veste à rayures, chemise blanche ouverte, presque mode, cool, en somme. Et les cheveux teints. C'est cette dernière «distinction» qui est la plus sidérante. Il suffit d'imaginer : le tintouin des négociations avec ses geôliers pour qu'ils accèdent à sa requête, la séance de teinture elle-même (la main du coiffeur a-t-elle envisagé l'accident de Régécolor qui aurait métamorphosé Saddam en fausse blonde ?)

Mais ce coup de jeune n'est pas seulement la bouffée de coquetterie d'un vieux beau. Il signe la terrible assurance d'un homme qui veut signifier au monde qui le juge qu'il n'a pas bougé d'un cheveu, à défaut de s'en faire.

Dans l'oeil du tyran par Gérard LEFORT
Liberation : samedi 22 octobre 2005
 


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