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DEFENSE DE SALIVER DES YEUX !
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8 septembre 2007

955 : Nager les yeux ouverts

samedi Café Bukowski

Un samedi, en général à cette période de l’année, ça donne ça : petit coup d’œil au ciel en me levant, derrière la masse perle des nuages un ruban clair et la mer un peu mauve en dessous. Café Bukowski. (Le café Bukowski c’est simple : préparez-vous un café, installez-vous dans un fauteuil. A l’étage votre fille traîne devant les dessins animés. Votre compagne dort encore. Ouvrez au hasard Jouer du piano ivre ou L’amour est un chien de l’enfer. Lisez. Buvez. Lisez. ­Buvez. Pour le Café Issa, Perros, Plath, Ginsberg ou ­Tsvetaïeva, faites pareil, mais avec les auteurs ­concernés.) Une partie de Playmobil ou d’autre chose, elle est en pyjama et ses cheveux blonds lui mangent le visage. Sardines grillées sous le tamaris. Puis on sort. Rozven. Le Verger. La presqu’île. La mer s’est retirée loin, les bateaux penchent à fond de cale et les vents de mer ont tout lavé. La lumière le sable les fougères, la lande et les bruyères. On grimpe on s’assoit quelque part, le dos contre la roche bouffée par les ­lichens orange, les yeux plissés face au large. Les cormorans disparaissent sous les eaux vertes. On longe la falaise une queue de lièvre entre les dents, les doigts noircis par les mûres écrasées. Plus bas, la plage est un croissant niché entre deux pointes. Entrer dans l’eau, nager les yeux ouverts, c’est toujours la même décharge, le même retour au monde. La mer me comble et me vide. Y plonger me rédime. Il arrive qu’elle me suffise. Pas assez souvent. Trop souvent encore, le sang vient cogner aux tempes, les nerfs affleurent, quelque chose se dérègle. On rentre par les dunes, enlacés tous les trois, piqués par les oyats. Ma fille mâchonne des brins de fenouil qu’elle arrache par poignées. Plus tard, quelques pages d’un livre (Dazai ces temps-ci), des puzzles un whisky le dîner des histoires et la nuit tombée je ressors. Fume en dévalant l’escalier creusé dans la roche. A tâtons trouve le sable. La rumeur maritime remplit le monde, l’eau est d’un autre noir que le ciel, plus épais, un acier ­liquide et mat. Ce samedi n’aura pas dérogé à la règle.

Par OLIVIER ADAM
Libération : samedi 8 septembre 2007


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