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11 août 2007

944 : Ma femme et l'aveugle

Cet été-là à Seatle, elle cherchait du travail. Elle n'avait pas d'argent. L'homme qu'elle allait épouser à la fin de l'été terminait ses études d'officier. Il n'avait pas d'argent non plus. Mais elle était amoureuse de lui, et lui amoureux d'elle, etc. Elle avait vu une annonce dans le journal. On demandait une Lectrice pour aveugle, et il y avait un numéro de téléphone. Elle avait appelé, s'était présentée et avait été engagée sur-le-champ. Elle avait travaillé tout l'été pour cet aveugle. Elle lui lisait des tas de trucs, des dossiers, des rapports, des choses comme ça. Elle l'aidait à organiser son petit bureau au service d'aide sociale du comté. Ils étaient devenus bons amis, ma femme et l'aveugle. Comment je le sais ? elle me l'a dit. Et elle m'a dit autre chose. Le dernier jour, l'aveugle lui avait demandé s'il pouvait toucher son visage. Elle avait accepté. Elle me dit qu'il lui avait touché toutes les parties de visage avec ses doigts, le nez - même le cou ! Elle ne l'avait jamais oublié. Elle avait même essayé d'écrire un poème là-dessus. Elle était toujours en train d'essayer d'écrire des poèmes. Elle en écrivait un ou deux par an, généralement lorsqu'une chose vraiment importante lui arrivait.

Raymond Carver, Cathédrale (Les Vitamines du bonheur). Editions Le Livre de Poche n°3120, 2002, p.204.


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