939 : Tout est métaphore...

Comment se sentait-il ? Resplendissant. Reluisant ? Poli comme un joyau.

La radio marchait et Dana, penchée sur son ordinateur portable, pianotait sur les touches et levait régulièrement les yeux pour observer le constant empilement des vagues ; lèvres retroussées, regard perdu à mille lieues de l'instant présent, de cet endroit, de ce monde. La musique de l'autoradio prit possession de lui et il tapota le rythme sur le tableau de bord. Une vieille chanson, aussi familière que son sang. Qui, qui, qui, qui/Dis-moi qui tu es...

Elle leva les yeux de son écran et vit la mer immense devant elle, les vagues lointaines calées comme des tuiles les unes sur les autres, le lait répandu des nuages, le soleil comme de la cire (métaphore, tout est métaphore) tandis que la forêt sombre et détrempée de La Bassine se dissolvait dans un éclat de lumière sur l'eau. Bridger était à côté d'elle, présent et bien visible, une main sur le volant, l'autre battant la mesure sur le tableau de bord.

T.C. Boyle, Talk Talk. traduit de l'anglais (États-Unis) par B.Turle. Ed Grasset.
Par Astrid Eliard, Le Figaro Littéraire, 24 juillet 2007

---