836 : Le mal des yeux sera fort contraire à la vue
Des maladies de cette année.
Chapitre III
Cette année les aveugles ne verront que bien peu, les sourds entendront assez mal, les muets ne parleront guère, les riches se porteront un peu mieux que les pauvres, et les sains mieux que les malades.
Plusieurs moutons, bœufs, pourceaux, oisons, poulets et canars, mourront mais une si cruelle mortalité ne sévira pas entre les singes et les dromadaires.
Vieillesse sera incurable cette année à cause des années passées.
Ceux qui seront pleurétiques auront grand mal au côté, ceux qui auront un flux de ventre iront souvent à la selle percée. Les catarrhes descendront cette année du cerveau jusqu’aux membres inférieurs. Le mal des yeux sera fort contraire à la vue. Les oreilles seront courtes et rares en Gascogne plus que de coutume.
Et régnera quasi universellement, une maladie bien horrible et redoutable, maligne, perverse, épouvantable et mal plaisante, laquelle rendra le monde bien terrifié, et dont plusieurs ne sauront de quel bois faire flèches, et bien souvent composeront en rêvassant, syllogisant en la pierre philosophale et sur les oreilles de Midas. Je tremble de peur quand j’y pense, car je vous dis que cette maladie sera épidémiale, et Averroès l’appelle (Collige, VII) :. manque d'argent.
Et, au vu de la comète de l’an passé et de la rétrogradation de Saturne, mourra à l'hôpital un grand maraud tout catarrheux et vérolé. A la mort duquel s’élèvera une sédition horrible entre les chats et les rats, entre les chiens et les lièvres, entre les faucons et canars, entre les moines et les œufs.
Rabelais, Pantagrueline Prognostication . Éditions 1001 Nuits, 1994, p.19. (Ed bilingue, avec une transcription en français moderne de Guy Demerson)