574 : ... et bonne Santé
La salle de dissection ressemble à n'importe quelle pièce, et pourrait, à quelques détails près, servir de lieu d'habitation. De forts éclairages concentrent leur lumière exceptionnellement blanche sur les objets disséqués. Et l'on découvre, d'un seul coup d'oeil, des membres épars sur une paillasse de fer, comme jetés là par accident, une guerre ou une quelconque apocalypse. Deux avant-bras sur un plan de travail, et, sur l'autre, deux mains. L'une est sectionnée à la hauteur du poignet. Elle est de couleur marron et se révèle être d'une femme : le vernis est resté sur les ongles. Soit la réaction chimique du produit conservateur, soit l'originalité du maquillage, la pellicule est d'un brillant d'acier. On dirait l'extrémité de doigts mutants. Des ongles de fer.
Michel Onfray : L'art de jouir. Le Livre de Poche, 1994, p.276.