556 : On ne dit pas " une pauvre hyène" et " un féroce moineau"
Ce sont les hommes qui ont écrit l'histoire.
T.B : Ce n'est pas du tout vrai, d'abord l'histoire s'est écrite elle-même, et puis il y a eu des femmes. Les femmes aussi savent écrire, parfois, quoique la plupart de temps ce soit grotesque.
Comment ça ?
T.B : Eh bien, il n'y a en fait pas de poétesses, tout ça est un peu exagéré. Avec les poétesses, on ferme pratiquement les deux yeux pour que ça ait plus ou moins l'air d'être ça, parce que sinon il n'y en aurait pas de tout. Mais à y regarder de plus près, ce n'est pas si grandiose que ça, même les anciennes. Non, il n'y a ni poéteses ni femmes philosophes, on a déjà dit ça des milliers de fois.
Ce que vous voulez, c'est que la femme reste à la maison et fasse des enfants ?
T.B :Là, ce n'est pas à moi de réfléchir à ça. Johanna Schopenhauer, elle écrivait des romans kitsch, elle gagnait énormément d'argent et c'était une célébrité à son époque. Et son frère, qui en dehors de son chien avait deux auditeurs à l'université, n'a eu quarante ans durant qu'un tirage de cent vingt exemplaires du Monde comme volonté et représentation. C'est tellement typique, là par exemple, où voyez-vous que les hommes dominent le monde ? Après coup, l'histoire, bon, mais tout ça est absurde.
Il vaudrait mieux que les hommes aident les femmes, là, elles pourraient se libérer de leur rôle.
T.B : C'est comme si vous vouliez absolument persuader un cul-de-jatte qu'il faut qu'il coure, qu'il a des jambes...
Thomas Bernhard : Entretiens avec Krista Fleischmann. Editions de L'Arche, 1993, p.67-68.