330 : Tel quel est humain, trop humain
Regards.
Des regards qui se rencontrent font naître d’étranges rapports.
Personne ne pourrait penser librement si ses yeux ne pouvaient quitter d’autres yeux qui les suivraient.
Dès que les regards se prennent, l’on n’est plus tout à fait deux, et il y a de la difficulté à demeurer seul.
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Se mirer, c’est affronter l’être et sa fonction.
L’œil étonne le voir. Le tout se figure partie au moyen du miroir.
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Dans « ma » chambre.
Cette mienne chambre à fenêtre unique, je suis dans un gros œil.
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Réflexe idéaliste.
Quoi de plus humain que de fermer les yeux pour supprimer un objet que l’être refuse ? Quoi de plus « idéaliste » ?
Ce réflexe déjà ébauche une « philosophie ».
(Friedrich Nietzsche : Humain, trop humain. Folio essais, 1987.)
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248. Équivoque de l’œil.
De même qu’un soudain frémissement d’écailles court sur l’onde à tes pieds, il y a dans l’œil humain de ces subites incertitudes et ambiguïtés qui font que l’on se demande : est-ce un frisson est-ce un sourire ? ou les deux à la fois ?
( Paul Valéry : Tel quel. Folio essais, 1996.)