248 : Qui tollis peccata mundi

Sabine lui apprit qu'Hel n'avait pas encore reçu de nouvelles. On ne va donc pas descendre du tout aujourd'hui, demanda-t-il. Elle dit qu'elle ne pouvait pas voir le lac aujourd'hui. Frau Zürn lui avait dit, pour l'avoir lu dans le journal, que trois personnes étaient mortes noyées au cours de la tempête d'hier. L'une d'elles s'était noyée alors que deux canots à moteur étaient arrivés à proximité du voilier retourné et que les sauveteurs avaient lancé des filins au naufragé cramponné à la coque de son embarcation. Les vagues lui avaient fait lâcher prise, il n'avait plus réussi à attraper les filins et avait coulé sous les yeux des sauveteurs. Helmut opina comme quelqu'un qui a connu ça. Sabine le ceignit de ses bras et se colla contre lui. Helmut joua le jeu de son mieux. Il allait descendre malgré tout. Mais peut-être le rejoindrait-elle un peu plus tard. Quelle impression t'a faite Hel au téléphone ? s'enquit-il. Elle avait parlé à voix lamentablement basse. N'avait presque rien dit. Seulement OUI et NON. Helmut prit le premier volume de Kierkegaard et sortit en vitesse pour aller au bord de l'eau. Otto, tout joyeux, lui courut après. Dehors, ils furent salués par Florian, le chien des Zürn qui faisait tout le temps des avances à Otto. Mais la chienne Otto repoussait chaque fois aussi méchamment que possible les tentatives de son congénère mâle. ( p.129)

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Il ouvrit son Kierkegaard relié en noir et lut : Durant mon séjour ici, à Gilleleie, j'ai visité Esrom, Fredensborg, Frederikvaerk et Tidsvilde. La source d'Hélène, où les gens du pays viennent en pèlerinage, à la Saint-Jean, confère un certain renom à cette localité. Helmut referma le livre. Il n'arriverait pas à entrer là-dedans maintenant. ( p.132)

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Helmut prit son Kierkegaard noir et lut : Durant mon séjour ici, à Gilleleie, j'ai visité Esrom, Fredensborg, Frederikvaerk et Tidsvilde. La source d'Hélène, où les gens du pays viennent en pèlerinage, à la Saint-Jean, confère un certain renom à cette localité. Il referma le livre. Sabine n'avait pas bougé d'un poil. Viens maintenant, dit-elle. Si on allait faire un tour à vélo tout à l'heure. Dans les bois. Une course à travers les bois. ( p.152)

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Helmut embrassa Sabine du bout des lèvres, sur le front. Otto poussa un jappement plaintif. Sabine regardait Helmut avec des yeux tels qu'il ne put s'empêcher de dire : Tu regardes à travers moi comme à travers un bocal à confiture vide. Attends encore un peu. Dans le train. Sabine dit : Cette nuit, dans mon rêve, j'aurais dû savoir comment on appelle un nombre qui n'est divisible par aucun autre, et voilà que je ne le savais plus. Tous les autres la savaient. Toi aussi. Et pourtant, tu ne m'as pas aidée. Helmut fourragea un peu dans la chevelure de Sabine, histoire de lui changer les idées. Le train entra en gare. A la locomotive peinte qui lui faisait l'effet d'un ecclésiastique de haut rang, Helmut dit : Qui tollis peccata mundi. ( p.154)

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( Martin Walser : Un cheval qui fuit. Gallimard, 1980.)

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