246 : point de coeur passant par le coeur il va falloir rester réveillé maintenant absolument
Ce que le crayon est pour moi quand, les yeux fermés, je palpe la table avec la pointe être cela pour le Christ. Nous avons la possibilité d'être des médiateurs entre Dieu et la partie de création qui nous est confiée. Il faut notre consentement pour qu'à travers nous il perçoive sa propre création. Avec notre consentement il opère cette merveille. Il suffirait que j'aie su me retirer de ma propre âme pour que cette table que j'ai devant moi ait l'incomparable fortune d'être vue par Dieu. Dieu ne peut aimer en nous que ce consentement à nous retirer pour le laisser passer, comme lui-même, créateur, s'est retiré pour nous laisser être. Cette double opération n'a pas d'autre sens que l'amour, comme le père donne à son enfant ce qui permettra à l'enfant de faire un présent le jour de l'anniversaire de son père. Dieu qui n'est pas autre chose qu'amour n'a pas crée autre chose que de l'amour. (p.78-79.)
Si on me bande les yeux et si on m'enchaîne les mains sur un bâton, ce bâton me sépare des choses, mais par lui je les explore. Je ne sens que le bâton, je ne perçois que le mur. De même les créatures pour la faculté d'aimer. L'amour surnaturel ne touche que les créatures et ne va qu'à Dieu. Il n'aime que les créatures (qu'avons-nous d'autre à aimer ?) mais comme intermédiaires. A ce titre, il aime également toutes les créatures, y compris soi-même. Aimer un étranger comme soi-même implique comme contrepartie : s'aimer soi-même comme un étranger. (p.101.)
Aux yeux de Platon, l'amour charnel est une image dégradée du véritable amour. L'amour humain chaste (fidélité conjugale) en est une image moins dégradée. L'idée de sublimation ne pouvait surgir que dans la stupidité contemporaine. (p.202.)
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( Simone Weil : La pesanteur et la grâce. France Loisirs, 1991)