241 : Le concept de l'angoisse
Les hommes armés de gourdins nous mettent en rangs par cinq. Ils hurlent exactement comme des SS. Nous traversons une partie du camp. Soudain, j'aperçois je découvre des cadavres qui marchent ! Deux cadavres qui en portent un troisième Moi qui me prenais pour un dur à cuire Je n'ai pas tremblé quand les SS ont assassiné des camarades à la descente du train. J'ai souvent assisté à la mort d'un homme dans ma cour de Praga, à l'issue d'un combat au couteau ou au pistolet. Mais des cadavres debout ? Ils avancent lentement, comme s'ils escaladaient une montagne, comme s'ils voulaient à tout prix économiser leurs forces. D'un seul coup, en plein mois de juillet, je me mets à trembler de froid. J'essaye de ne pas regarder leurs visages décharnés, leurs yeux immenses, le rictus qui découvre leurs dents. Nos accompagnateurs ricanent : « Dans un mois, vous serez comme eux, sacs de merde Si vous avez la chance de tenir un mois ! »
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(Jean-Jacques Greif : Le ring de la mort. Ed L'école des loisirs / Médium, 1998. p.74-75.)