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DEFENSE DE SALIVER DES YEUX !
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25 juin 2005

414 : Reflets dans un oeil rose

Film. «Pink Narcissus», oeuvre culte des années 70 réalisée anonymement, ou les émois autoérotiques d'un éphèbe.

Un papillon qui déplie ses ailes au coeur de couleurs si saturées, à dominante rose, que ça tourne presque au dessin animé. Un jeune homme nu qui contemple ses reflets dans une glace multiple se métamorphosant en cuvettes de pissotière, jet d'urine au fond d'une chiotte, gros plan rendant compte que tout est composition en ce bas monde, niveau d'abstraction d'où jaillit la féerie. Le jeune homme en torero, accueillant dans sa muleta en taffetas la vérité des cornes d'une grosse moto avec motard en cuir.

Je est un autre, strip-tease, onanisme, paupières rouges, c'est le regard qui est érotique (ou pas). La couleur mène la danse, la beauté d'un garçon dans l'arène de son désir, ambiance Querelle vingt ans avant, offrant ses fesses au cinéma qui garde la trace matricielle du fantasme, garçon cul en l'air du temps, ça dépend du regard et alors même un portemanteau devient sexuellement émouvant. L'image s'est mise à palpiter, rose et nacrée comme le tissu muqueux, lascivité du garçon beau comme un tableau. Dans l'herbe il se branle, activité cosmique, une coquille ailée posée sur son sexe : se faire tailler une pipe par un papillon, c'est objectivement renversant.

Fiche technique : Pink Narcissus, années 70, auteur anonyme ­ on a voulu longtemps l'attribuer à Kenneth Anger, il s'agirait en fait d'un certain James Bidgood, photographe et cinéaste, à qui s'est intéressé l'écrivain new-yorkais Bruce Benderson (1) ­, opus baroque pour ne pas dire rococo gay et culte avec Bobby Kendall (en écho du Joe Dalessandro de Warhol), film mêlant une atmosphère de backroom, avec bimbeloterie fétichiste (fabuleuse séance de caresse d'un collier), à une épopée sensuelle tout à fait sérieuse, avec des marraines aussi écartelées que Pasolini ou Pierre et Gilles, sur fond de tentation porno tenue dédaigneusement à distance.

Traité d'autoérotisme : le corps est seul, l'esprit s'échafaude des partenaires, main à portée de slip glissant doucement sur la santiag blanche. Bacchanales dans la Rome antique, chaînes aux pieds, brutalité des hommes casqués. La jouissance comme une explosion d'images gonflées à bloc, du détail au plan d'ensemble, c'est le même cheminement que le plaisir qui va de l'organe au corps entier et vice-versa. En séquence bravoure, une danse de la bite extraordinaire puis, du fond de l'ombre naturelle, une plante archaïque en quête de zones érogènes s'avance sur le corps innocent, le corps désarmé. Pink Narcissus, ou le récit fabuleux d'une masturbation.

(1)    James Bidgood, éd. Taschen.

«Pink Narcissus», auteur anonyme. CinéCinéma Auteur, samedi, 23 heures.
Reflets dans un oeil rose
Par Isabelle POTEL, samedi 25 juin 2005 .Liberation 

http://www.liberation.fr/page.php?Article=306669





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