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DEFENSE DE SALIVER DES YEUX !
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20 mars 2005

302 : je lègue mes yeux à la Banque des yeux pour qu’ils voient la fin de votre régime…

[…] Lucien était né en juillet 1948, le 8…J’ai refusé chaque fois que Marie m’a proposé de l’amener au parloir avec elle… Pas une photo. Rien. Je voulais voir mon fils en homme libre…Il avait trois ans quand je l’ai serré contre moi pour la première fois. Au début il m’appelait « Tonton Jean »…

Marie Ricouart se lève, bouleversée. Elle se dirige vers la cuisine, se réfugiant dans les préparatifs du dîner.

   -  Vous restez manger avec nous ce soir ?

Je n’ai pas le courage de refuser.

   -  Camblain a été guillotiné ?

   - Non, mais il était prêt à monter à l’échafaud…Quand le président lui a demandé s’il      avait une déclaration à faire il a dit une chose que je n’oublierai jamais : Oui, je lègue mes yeux à la Banque des yeux pour qu’ils voient la fin de votre régime… Il est resté aux fers pendant six mois, se demandant lequel de ces cent-quatre-vingts jours serait le dernier… Il doit sa vie à un inconnu, un mineur de la fosse 4 de Mazingarbe… Un ancien déporté à Buchenwald. Il faisait partie du réseau de résistance interne du camp, un réseau dirigé par Marcel Paul, le futur ministre… IL était chargé de prendre contact avec les personnalités françaises que les nazis envoyaient à la mort…Des hommes politiques, des artistes, des scientifiques ou des industriels comme Marcel Dassault… Un jour il a « réceptionné » André Marie, un député normand, vaguement radical… En 1948, le même André Marie était ministre de la Justice. Le mineur a pris le train sans rien dire à personne, il a obtenu un rendez-vous au ministère…Je ne peux pas affirmer que sa visite à été décisive, le fait est que, deux mois plus tard, le président Vincent Auriol commuait la peine de mort en vingt ans de réclusion…Camblain est sorti de prison en 1960, douze ans après sa condamnation…Je suis allé l’accueillir…Le grand gaillard que j’avais connu n’existait plus…La détention l’avait cassé… Il s’est installé près de la frontière, à Droogland…C’est là qu’il est mort, l’année suivante, sans avoir eu l’autorisation de retourner dans le département de Pas-de-Calais.

[…]

(Didier Daeninckx : La mort n’oublie personne. Folio, 1998, p.174.)


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