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DEFENSE DE SALIVER DES YEUX !
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1 mars 2005

281 : Une jeune femme sourit dans un décor champêtre.

Jeudi : Hontes

S'il faut en croire un organe de presse israélien cité par mon quotidien, le Hezbollah a porté de 20 000 à 100 000 dollars le dédommagement versé aux familles des terroristes. Je ne sais si cet argent est destiné à couvrir les frais des représailles. J'essaie seulement d'imaginer le moment où la liasse se retrouve sur la table familiale, sous les yeux de la mère du kamikaze, dans cet instant d'hésitation avant qu'une main ne la soustraie aux regards. Loin de là, aux Etats-Unis, même suspension quand la mère d'un soldat assassiné en Irak ouvre l'enveloppe qui contient le chèque des indemnités. Même impudence de l'argent qui fêle la souffrance.

Ce soir, cinéma. Après les bandes-annonces, avant la projection, une photo de Hussein Hanoun al-Saadi et une de Florence Aubenas. Une jeune femme sourit dans un décor champêtre. Après le déclic, elle s'est levée, a ri de cet instantané insignifiant qui n'attendait plus que son heure désormais pour se muer en cri de détresse. Où est-elle ? Réduite au silence comme Ingrid Betancourt. Terrorisée comme Giuliana Sgrena sur la vidéo de ses ravisseurs ? Est-ce qu'on ne devrait pas se lever par décence, demander qu'on arrête le film, rentrer chez soi ? Personne ne bouge. Générique. Oubli. Après la séance, on sort boire un pot. Tout à l'heure, demain, une télé, un journal va nous livrer les massacrés du Darfour, les affamés d'Afghanistan, les plastiqués de Bagdad. La misère du monde dégouline à chaque instant. Comment se mettre à l'abri ? Si l'on veut être heureux un quart d'heure, il faut relever son col et se tasser dans son égoïsme

( Armelle JOB: Mon journal, De bruit et de fureur. Liberation, Samedi 26 février 2005- 06:00)
 
http://www.liberation.fr/page.php?Article=278469 


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